Actualité 15.05.2024
Alors que les marchés mondiaux des produits forestiers sortent d’une période de surchauffe post-COVID, le rapport annuel FAO/UNECE 2023-2024 souligne un double mouvement : ralentissement conjoncturel et mutation structurelle des filières bois. Entre pressions économiques, nouvelles régulations et enjeux climatiques, le secteur connaît une recomposition profonde.
L’année 2023 a été marquée par une contraction de la demande dans l’ensemble des segments : sciages résineux, sciages feuillus, panneaux, pâte, papier, bois énergie. En Europe, la consommation de sciages résineux a chuté de 8,4 %, et la production a reculé de 6,8 %, pénalisée par la faiblesse du marché de la construction neuve et la remontée des taux d’intérêt.
En 2024, la tendance reste dégradée mais montre quelques signes de stabilisation : la production européenne de sciages résineux poursuit son recul, à –2,5 %, tandis que la consommation recule à un rythme plus modéré (–1,8 %). Les marchés de la rénovation limitent la baisse, mais la reprise de la construction reste hésitante dans la plupart des pays.
Les sciages feuillus enregistrent en 2024 une contraction plus marquée de la consommation (–6,1 %) que de la production (–4,3 %), avec une pression accrue sur les prix, notamment dans les segments feuillus durs. Le secteur reste sensible à la demande industrielle et à la réorganisation des flux logistiques.
Les panneaux à base de bois confirment leur résilience : la production européenne progresse de 0,7 % en 2024, tirée par les panneaux non structurels (+1,4 %) tandis que les panneaux structurels restent en léger retrait (–0,9 %). La baisse des exportations vers le Royaume-Uni se poursuit, mais les marchés intérieurs se raffermissent légèrement dans certains pays.
Côté pâte et papier, la tendance reste négative en 2024 : la production européenne de papier chute de 4,1 %, portée par un nouveau recul des papiers graphiques (–10 %) et une stagnation des papiers d’emballage. Les exportations de pâte vers l’Asie demeurent cruciales, bien que fragilisées par la volatilité des marchés mondiaux.
L’année a été marquée par l’entrée en vigueur de nouvelles régulations européennes majeures. Le règlement sur la déforestation importée (RDUE), adopté en juin 2023, impose à partir de fin 2025 des obligations de traçabilité strictes sur le bois importé, mais aussi sur d’autres matières premières à risque. La mise en conformité devient un enjeu critique pour les entreprises, sous peine d’exclusion du marché européen.
En 2024, les premiers tests de mise en œuvre opérationnelle du RDUE révèlent de fortes disparités de préparation entre pays. Les entreprises du secteur intensifient les investissements dans les systèmes de traçabilité numérique, tandis que des tensions apparaissent sur les chaînes d’approvisionnement en provenance d’Asie et d’Afrique. Des retards réglementaires sont redoutés dans certains États membres.
Autre tournant : la révision de la directive RED III sur les énergies renouvelables restreint désormais les aides publiques à la valorisation énergétique des résidus et sous-produits, excluant les bois ronds. Cela impose une hiérarchisation des usages et redéfinit la place du bois dans les politiques énergétiques.
Pour la première fois depuis plus d’une décennie, la superficie de forêts certifiées en région CEE-ONU a reculé de 18,5 % en 2023, principalement en raison de la suspension des certifications FSC et PEFC en Russie et Biélorussie. Cette tendance affaiblit la sécurité d’approvisionnement pour les marchés exigeant des garanties environnementales élevées.
En 2024, cette contraction persiste, avec un recul cumulé de 22 % sur deux ans. Les entreprises européennes se tournent vers des alternatives régionales et renforcent leurs propres dispositifs de diligence raisonnée pour sécuriser leurs approvisionnements certifiés.
Au-delà des cycles conjoncturels, le bois s’affirme désormais comme vecteur de neutralité carbone, notamment via les produits à longue durée de vie (construction, mobilier). L’Union européenne prépare un règlement sur les retraits de carbone, qui reconnaîtra officiellement la capacité du bois à stocker du CO₂ — ouvrant potentiellement la voie à une valorisation économique de ce stockage via des crédits carbone certifiés.
En 2024, la Commission européenne a publié un projet de cadre méthodologique pour les produits de bois à longue durée de vie dans le calcul des crédits carbone. Ce signal réglementaire renforce l’intérêt des industriels pour les matériaux bois dans la construction, en lien avec les objectifs de la taxonomie verte.
Le rapport FAO/UNECE identifie cinq leviers stratégiques pour les années à venir :
Mise en œuvre du RDUE
Valorisation du carbone biogénique
Renforcement de la compétitivité industrielle
Gestion durable des ressources forestières
Intégration des marchés émergents
Pour plus d'informations sur les marchés, contactez Alessandra Negri.