Le Commerce du Bois

Le marché français des sciages en 2024 : un point d’équilibre fragile, sous la pression des réglementations

Actualité 27.06.2025

En 2024, le marché français du sciage a poursuivi sa contraction, confirmant les tendances de fond amorcées ces dernières années. Dans un contexte mondial toujours marqué par l’instabilité économique, la hausse des contraintes réglementaires et des tensions logistiques persistantes, les importations françaises de sciages résineux comme tropicaux ont atteint des niveaux historiquement bas.

Pour les sciages résineux, la France a importé 2,29 millions de m³, un volume en légère baisse de 1 % par rapport à 2023. Cette stabilisation à un niveau faible cache une tendance plus profonde : par rapport à l’année record de 2021, les volumes importés ont chuté de près de 30 %. L’Allemagne reste le premier fournisseur (583 000 m³), mais a souffert au premier trimestre d’un marché intérieur dégradé, tandis que la Suède (348 500 m³) et la Finlande (540 000 m³) consolident leur place grâce à une meilleure régularité logistique et des gammes adaptées. En revanche, l’Europe de l’Est s’effondre : moins de 254 000 m³, en recul de 71 % depuis 2021, notamment sous l’effet de la quasi-disparition des flux en provenance de Russie.

Cette tendance est largement corrélée à la crise du logement neuf, qui a durement frappé la demande hexagonale, et à l’essoufflement progressif de la rénovation. Le ralentissement général du crédit immobilier et l’incertitude réglementaire freinent la dynamique de la construction bois, malgré les ambitions climatiques de la RE2020.

Les sciages tropicaux, quant à eux, atteignent un plus bas historique avec seulement 94 759 m³ importés en 2024, en baisse de 22 % sur un an. Cette chute est la plus forte enregistrée depuis plus de dix ans. La pression croissante de la réglementation internationale (CITES, futur RDUE), conjuguée à un contexte de demande dégradée, a provoqué cette dégringolade. L’Afrique reste le premier fournisseur de sciages tropicaux (56 900 m³), mais ses volumes ont chuté de 28 % en un an. Le Cameroun, longtemps leader, s’effondre à 25 000 m³, soit une baisse de 36 %, en raison d’une fiscalité d’exportation très dissuasive et de lourds problèmes logistiques dans ses ports.

Le Congo-Brazzaville parvient à stabiliser ses positions (14 100 m³, -7 %), grâce à une meilleure organisation logistique et un cadre réglementaire plus lisible, tandis que le Gabon (12 500 m³) reste en retrait, impacté par la mise en liste CITES du padouk et la pénurie de moyens de transport.

À contre-courant, le Brésil enregistre une progression notable : +25 %, à 16 000 m³, grâce à un redémarrage logistique et à des programmes de reforestation.

Enfin, les grumes tropicales se sont presque effondrées, à seulement 4 600 m³ (–86 % sur un an). Cette chute brutale illustre la stratégie assumée par les pays de la zone CEMAC et la RDC, qui entendent interdire totalement l’export de grumes d’ici 2028 afin de développer des industries de transformation locales.

 

Vers un nouveau modèle d’importation ?

L’année 2024 pourrait marquer une étape de transition. La plupart des opérateurs, confrontés à une demande toujours faible et à des réglementations plus strictes, s’efforcent de sécuriser des filières plus traçables, plus régulières et plus résilientes. L’Europe du Nord tire ainsi son épingle du jeu en consolidant ses positions grâce à la fiabilité de ses scieries et à la qualité de ses certifications.

Quant aux bois tropicaux, leur avenir sur le marché français passera probablement par une montée en gamme : valorisation des essences certifiées, partenariats locaux pour mieux maîtriser la chaîne d’approvisionnement, et adaptation aux nouvelles exigences du RDUE, attendu fin 2025.

En définitive, si la filière reste confrontée à un atterrissage difficile, la stabilisation progressive observée en fin d’année laisse entrevoir un potentiel de reconstruction. Mais cette reconstruction ne pourra se faire qu’au prix d’un profond réajustement des modèles économiques, afin de conjuguer performance, durabilité et compétitivité.

 

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